jeudi 17 septembre 2009

23 étrangers



Le rouge à l'honneur. Un film, de Robert Guédiguian, l'armée du crime, consacré au groupe cosmopolite dirigé par Missak Manouchian. Et puis le "Missak" de Daenincks, dans la rentrée littéraire. Un battage médiatique important, c'est inquiétant. L'époque si lisse et correcte a besoin de figures de proue pour raviver ses couleurs passées? ou bien les bleus sont si sûrs d'eux qu'ils ne cillent même pas...? Je ne sais. Toujours est-il, que le film de Guédiguian est beau, sonne cette fois juste (on ne pouvait pas en dire autant du précédent consacré au personnage de Mitterrand) et est remarquablement interprété. Enfin, un vrai hommage au grand poète arménien qui laissa à sa jeune femme Mélinée une ultime lettre sobre et splendide, à l'image de ce que l'homme avait voulu être, un amoureux de la vie et de la liberté. Aragon l'a exhumée et lui a donné forme nouvelle, Ferré l'a chantée. Dans le Paris des années 40, cette affiche placardée par ordre du ministre de la propagande exhibait les visages "hirsutes" de ces "étrangers" "terroristes, menaçants", ces communautés agissantes ennemies des patriotes qui empêchaient les vrais français de vivre paisiblement sous l'ordre pétainiste. On se demande bien pourquoi de tels propos résonnent encore aujourd'hui si familièrement à nos oreilles.


Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents.(...)

Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant. (...)

Aragon, Strophes pour se souvenir.

3 commentaires:

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