mardi 5 juillet 2011

chapitre 2

Dans le coffre poussiéreux il y a toutes les dernières pages. L'encre sèche n'a pas perdu de son pouvoir et les mots presque effacés font encore mal. Comme toucher du bout des doigts une plaie mal refermée. On appuie sur la cicatrice boursouflée et la douleur remonte de loin. A l'époque j'écrivais tous les jours pour tenir. Pour donner un sens au chaos. La vie à l'envers. La vie malade. Comme un coureur qui s'échappe dans l'effort. Loin de son corps.


Le corps, je ne savais pas. C'est la part interdite de l'enfance, la part gelée.

le corps c'est d'abord cet homme nu dressé devant l'évier. Tout blanc. Debout dans la cuisine, il se rase. Les mains lourdes, solides, le dos large. Il met de l'eau partout et s'accroche aux murs, aux objets. C'est la première fois que je vois un corps nu. La chair. Le sexe mou. Les épaules. Mélange d'effroi et de fascination pour celui-ci que je connais et que je ne peux reconnaître comme mon grand-père. Le corps qui cherche sa place. Hésitant comme une bête qui se cogne dans l'arène. Si homme encore malgré l'âge et la cécité.

Bien plus tard il finit sa vie dans un lit de l'hôpital des mines, tousse et crache à mourir et je revois son corps d'avant maintenant replié sous les draps, sa vigueur imposante ce matin-là dans l'odeur du café bouilli et du savon à barbe. Dans le poste la voix de Pierre Bellemarre. C'est pour toujours la voix des séjours Fosse 13.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

votre mot à dire?