vendredi 5 juin 2009

Divertissement ou Diversion?

Pascal ou Bourdieu?

Les deux mon neveu...

Il paraît qu'un airbus français s'est scratché au large du Brésil. Ca fait beaucoup parler. Quelle merveille! Ca met tout le monde d'accord, de l'agent d'entretien au chef de service, autour du café du matin, chacun peut y aller de ses supputations, de son anecdote, de l'expression de son émotivité. Quel merveilleux sujet, la catastrophe aérienne! C'est mieux que la menace d'épidémie, parce que pour se sentir concerné, là, il faut beaucoup beaucoup d'imagination, tandis que l'avion, à l'exception de quelques irréductibles écolos intégristes qui refusent de prendre le moyen de transport le plus polluant pour aller balader leurs signes ostentatoires de richesse et leur vacuité existentielle dans les pays en voie de développement (j'en connais...), et bien l'avion, nous le prenons presque tous... Et chacun peut imaginer faire partie du convoi fatal qui s'étale aujourd'hui à la "Une" de tous nos journaux. Pendant qu'on pense au risque auquel on a échappé, on se divertit de soi même et d'une toujours possible interrogation sur le sens de son existence, mais il est vrai que ce type de pensée n'est pas toujours plaisant... Et puis quelle aubaine sur le plan économique et politique. Les photos et commentaires croustillants se vendent bien, et on peut aisément rejeter en marge des sujets beaucoup moins glamour qui n'ont pas l'heur de plaire au public : l'action d'Obama en direction du Moyen Orient, la politique agricole commune, le fonctionnement des institutions européennes... C'est vrai qu'à trois jours du vote, une campagne aussi enferrée dans les sondages, la personalisation des enjeux (Cohn bendit double Bayrou, la belle affaire!), l'absence de lisibilité au niveau des contenus n'engage pas le citoyen lambda à se déplacer. On pourra ainsi déplorer abondamment le manque d'intérêt des français pour la politique européenne et ses enjeux. Ouais, que des sujets pas glamour : les droits des peuples, le droit du travail, la circulation des capitaux, les services publics européens, la protection de l'environnement... Pas vendeur tout ça, et même un peu dangereux de trop vouloir expliquer... On ne sait jamais, si le citoyen lambda se désinteressait du fait divers et se préoccupait davantage du sens de son existence, de son rapport aux autres, aux autres peuples et de la manière dont il pourrait contribuer à construire un monde futur plus équitable et durable... Oui, mais ça c'est sans compter avec les parts de marchés de nos amis les grands medias. Et puis la politique (la vraie, au sens grec), c'est source de débat, de conflit, de réflexion. Il faut déployer de l'énergie, se documenter, réfléchir. C'est chiant! Alors que le fait divers, ça divertit, ça permet de se sentir soi, bien vivant. Alors plus que jamais, à l'ère de la politique spectacle, le fait divers explose, l'avion fait diversion. Tout bénef!

Pour se dépolluer l'esprit :

2 commentaires:

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