samedi 13 août 2011

Chapitre 8

Je ne sais plus comment je me suis retrouvée face à elle. Elle. D'autres avant elles. Mais c'est surtout d'elle dont je me souviens. La salle d'attente est luxueuse. Des sofas profonds de velours rouge. Des tableaux aux murs, des tentures. Je n'ai pas d'argent. Je n'ai pas d'autre choix. Pas de connaissance de ce milieu. Pas d'interlocuteur. Elle semble tout droit sortie d'une brochure de Madame Figaro et d'emblée je sens toute l'inutilité de ma démarche. Je n'ai rien à perdre. Je me jette à l'eau. Qu'on en finisse. Au bout de quelques secondes elle me regarde avec effroi. Elle repose le Mont Blanc sur l'écrin de cuir. Je parle assez longtemps et je lui décris tout. Les symptômes, les angoisses, les obsessions, le rythme des crises et leurs manifestations les plus courantes. Elle m'écoute bouche ouverte, le brushing agité de balayages de mèches nerveux. Quand je me tais, elle a un mouvement de recul, pivote, me tourne le dos et cherche un album de photos et de témoignages de patients guéris et satisfaits de ses services. Elle me les place sous le nez. Elle parle un peu dans tous les sens. Il semble que je sois une patiente inhabituelle. Elle m'explique comment elle agit d'habitude. Les techniques qu'elle utilise, les résultats qu'elle obtient. Je n'arrive pas à me concentrer sur ce qu'elle dit. Je n'arrive même pas à en sourire intérieurement. Alors elle me regarde et elle se tait. Puis elle ferme son album et me dit que les maux dont il souffre relèvent d'une thérapie lourde. Qu'elle ne peut rien pour lui. Que je dois penser à moi. Que je dois me protéger de lui. Qu'il est malade. Très malade.


Je laisse deux cents francs sur le bureau. Dehors je cherche l'air vif. J'ai la nausée.

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