lundi 1 août 2011

Chapitre 7

Cela fait trois jours que je t'attends. Ils m'ont harnachée à des appareils qui bippent et diffusent un produit violent. Mon ventre se soulève et se tord et ça cogne à tout va pendant une minute qui dure une éternité. Mais je sais que tu n'es pas prête et j'attends la prochaine vague. J'ai peur de ce qu'ils te font.




La nuit je marche dans les couloirs pour oublier la douleur. Je déambule en me tenant aux rembardes. Je scrute les lumières au dessus des portes. Je traverse tout l'espace vide, tous les étages, toutes les passerelles. Je n'arrive plus à trouver le calme. Juste marcher. Marcher. Penser que bientôt j'aurai moins mal. Que ça va cesser.




Ils viennent à l'aube. Ils ont peur que tu souffres. Il faut intervenir d'urgence. Tu vas donc arriver. J'ai la gorge bloquée.




Ils me laissent seule pour me préparer. J'attends allongée et je regarde. Je sais que tout va changer. Dehors la neige menace. Une lumière froide passe à travers les stores métalliques. Il y a une coque translucide. Je n'arrive pas à concevoir que bientôt tu seras couchée dedans. C'est juste inconcevable. J'ai l'impression que mon coeur va éclater.




Ils m'ont allongée et couverte de draps, des aiguilles dans les veines. Je vois le visage d'une femme de très pres. Elle me dit quelque chose que je ne saisis pas bien et je sens qu'on m'enfonce un objet dans la bouche. J'étouffe. Je me débats. Je ne veux plus. Je refuse. J'arrache tout.




Ils se sont tous écartés maintenant et la femme me parle doucement. Elle me tient la main. Elle caresse mes épaules. Je sens des larmes monter, venir de loin, de très loin. Elles débordent, elles coulent, à flots, je tache tout le drap. Ils ont tous l'air interdit. Elle me dit, pleurez madame, pleurez et toute la tension s'écoule de moi.




Plus tard j'observe le plafond et je ne les vois plus. Je sens qu'ils agissent sur mon corps mais je ne peux pas dire précisément ce qu'ils font. Comme une enveloppe qui ne m'appartient plus. Mes oreilles bourdonnent de bruits étranges. J'ai l'impression d'être une poupée de chiffon qu'on décout.




Alors j'entends ta voix. C'est un pleur très doux. Une plainte. Fragile comme une pétale. Ta voix m'appelle. Elle me vient du ventre. Je te cherche des yeux. La dame est toute joyeuse. Je l'entends me crier de loin : elle est magnifique, madame. Magnifique! L'instant d'après je te sens. Un oiseau de chair. Tu es si petite contre moi, tu t'appuies pour relever la tête et je reconnais ton odeur. Ton visage. Je respire dans ton cou.Tu es là. Enfin. Exactement comme je t'imaginais. C'est toi. Intime. Autre. Tu es toi et tu es moi. C'est inouï. Dehors la neige a tout recouvert. Je te serre contre mon sein. Le monde a désormais le visage d'une fleur.

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