
Alors, qui reconnaît cette photo? Et comment peut-on voir les nuages en dessous de soi... ?
Bon, à propos de ciels et d'amoureux des nuages, je vous recommande un petit coup d'aile de ce côté-ci.
Garder en mémoire le jour qui passe, l'instant de vie. Retenir ce qui glisse, la trace invisible sous le regard, en creux. Les visages et les voix. Le souffle, l'envie, la joie. Capter la lumière, l'émotion. La couleur du silence. Respirer. S'accorder l'échappée belle. Faire allégeance ou refuser. Ecrire. Choisir. Donner forme au monde. Tant qu'on peut.
"J'ai souvent éprouvé un sentiment d'inquiétude, à des carrefours. Il me semble dans ces moments qu'en ce lieu ou presque : là, à deux pas sur la voie que je n'ai pas prise et dont déjà je m'éloigne, oui, c'est là que s'ouvrait un pays d'essence plus haute, où j'aurais pu aller vivre et que désormais j'ai perdu. Pourtant rien n'indiquait ni même ne suggérait, à l'instant du choix, qu'il me fallût m'engager sur cette autre route. J'ai pu la suivre des yeux, souvent, et vérifier qu'elle n'allait pas à une terre nouvelle. Mais cela ne m'apaise pas, car je sais aussi que l'autre pays ne serait pas remarquable par des aspects inimaginés des monuments ou du sol. Ce n'est pas mon goût de rêver de couleurs et de formes inconnues, ni d'un dépassement de la beauté de ce monde. J'aime la terre, ce que je vois me comble, et il m'arrive même de croire que la ligne pure des cimes, la majesté des arbres, la vivacité du mouvement de l'eau au fond d'un ravin, la grâce d'une façade d'église, puisqu'elles sont si intenses, en des régions, à des heures, ne peuvent qu'avoir été voulues, et pour notre bien. Cette harmonie a un sens, ces paysages et ces espèces sont, figés encore, enchantés peut être, une parole, il ne s'agit que de regarder et d'écouter avec force pour que l'absolu se déclare, au bout de nos errements. Ici, dans cette promesse, est donc le lieu."
Yves Bonnefoy, l'Arrière-pays.
"Le temps s'en va, le temps s'en va, ma Dame,
Las ! le temps non, mais nous, nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame ;
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle ;
Pour ce, aimez-moi cependant qu'êtes belle. "
Ronsard, "Je vous envoie un bouquet"
"Tu ne sais probablement rien du tout de ce que à quoi ton dos peut ressembler, quoi que le ciel puisse contenir : le soleil, ou le lever de la lune. C'est là que je repose. Ma main, mes yeux, ma bouche. la première fois que je le vois, tu es en train de nourrir le feu avec un soufflet. Le brillant de l'eau glisse le long de ta colonne vertébrale et je me choque moi-même de me rendre compte que je voudrais bien la lécher. Je cours me réfugier dans l'étable pour tenter d'arrêter ce qui se produit en moi. Rien n'y fait. Il n'y a que toi. Rien en dehors de toi. Mes yeux et non mon estomac sont la partie affamée de mon être. Il n'y aura jamais assez de temps pour regarder comment tu bouges. Ton bras se lève pour frapper le fer. Tu te baisses sur un genou. Tu te penches. Tu t'arrêtes pour verser de l'eau, tout d'abord sur le fer et ensuite dans ta gorge. Mais avant que tu saches que je fais partie de ce monde, je suis déjà tuée par toi. Ma bouche est ouverte, mes jambes sont molles et mon coeur est tendu à se rompre.
La nuit vient et je vole une chandelle. Je porte une braise dans un bol pour l'allumer. Pour voir davantage de toi. Lorsque c'est allumé je protège la flamme de ma main. Je te regarde dormir. Je regarde trop longtemps. Je suis imprudente. La flamme me brûle la paume. Je pense que si tu te réveilles et que tu me vois te regarder, je vais mourir. Je m'enfuis en courant, ne sachant pas alors que tu me vois bien te regarder. Et lorsqu'enfin nos regards se rencontrent, je ne meurs pas. Pour la première fois je suis en vie."
T. Morrison, un don.