mardi 23 août 2011

les carrefours

"Si l'on ne croit pas à la prédestination, alors il faut admettre que les circonstances d'une rencontre, que par facilité nous attribuons au hasard, sont en fait le résultat d'une incalculable suite de décisions, prises à chaque carrefour de notre vie, et qui nous ont secrètement orientés vers elle. Ce n'est pas que nous ayons recherché ni même souhaité, serait-ce du fond de notre inconscient, toutes nos rencontres, même les plus importantes. plutôt, chacun d'entre nous agit à la façon d'un artiste ou d'un écrivain qui construit son oeuvre dans une succession de choix; un geste ou un mot ne détermine pas inéluctablement le geste ou le mot qui suit, mais place au contraire son auteur devant un nouveau choix. Un peintre qui a posé une touche de rouge peut choisir de l'éteindre en lui juxtaposant une touche de violet; il peut choisir de la faire vibrer par une touche de vert. Au bout du compte, il aura beau s'âtre mis au travail, avec quelque idée de son tableau achevé en tête, la somme de toutes les décisions qu'il aura prises, sans les avoir toutes prévues, fera apparaître un autre résultat. Ainsi nous conduisons notre vie par un enchaînement d'actes bien plus délibérés que nous ne sommes prêts à l'admettre - parce qu'en assumer clairement toute la responsabilité serait un fardeau trop lourd-, et qui pourtant nous mettent sur le chemin de personnes vers qui nous ne pensons pas nous être dirigés depuis si longtemps."





Catherine Millet, Jour de souffrance.

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