mercredi 17 août 2011

Chapitre 9

Ca a commencé par des dessins. J'en trouvais le soir devant ma porte. Des dessins au crayon, au fusain, aux pastels. Le premier représentait un visage de femme dans une rose. Je n'ai pas compris d'abord. Pas de nom. Rien qui fasse écho. Et puis je ne me suis pas reconnue. Mais le lendemain, j'en trouvai un autre. Une femme nue allongée comme la Maja avec des mots illisibles griffonnés tout autour. J'étais contrariée. J'ai pensé aux conférences publiques. Mais comment quelqu'un pouvait-il connaître ma nouvelle adresse? J'habitais l'appartement depuis si peu de temps... Le soir en réunion j'en parle aux autres. Ca les fait sourire mais je suis mal à l'aise. Le lendemain, nouveau dessin du même tonneau. J'y pense désormais en rentrant chez moi et ne sors plus la nuit sans le gros chien jaune. J'ai l'impression d'être épiée, suivie. J'hésite à aller au commissariat. Je crains qu'on ne me prenne au sérieux. Cela peut être un voisin, un collègue jaloux, un déséquilibré, une mauvaise blague, je ne sais. Les dessins sont ceux d'un amateur, le thème unique, une femme, qui pourrait être moi. Sa nudité m'agresse. C'est direct et en même temps l'auteur reste anonyme. L'écriture est minuscule, travaillée, inquiétante. Je n'aime pas ça du tout. Je ne sais s'il faut réagir ou faire le mort. Finalement je ramasse les dessins, les déchire, les place dans une enveloppe devant ma porte, là où l'autre les dépose depuis une semaine. Sur l'enveloppe j'écris "merci de ne pas m'importuner". Mais toute la journée j'y pense. Comment le dessinateur fait-il pour accéder à ma porte sans se faire remarquer? Ou bien c'est un patient du mèdecin au-dessus duquel je loge, ou bien il profite des ouvertures de porte en se faisant passer pour tel, ou bien on lui ouvre pour une autre raison... parce qu'on le connaît...? Et s'il venait à m'attendre un jour? Un frisson d'effroi me parcourt l'échine. Pourquoi le chien n'aboit-il pas quand il vient déposer l'enveloppe? Ce soir-là, je gravis les marches tout doucement pour qu'on ne m'entende pas. Il est tard. Encore un rai de lumière au premier. La cage d'escalier est plongée dans l'obscurité. L'ampoule est grillée. Me déplacer silencieusement, je sais faire. Dans une autre vie j'ai appris à me déplacer comme un chat. Mais je peux entendre mon coeur cogner d'angoisse. En haut, personne. Je respire et tandis que je cherche fébrilement mon trousseau de clefs, j'entends la queue du chien battre contre la porte. La lumière inonde le hall d'entrée, je me retourne, cherche l'enveloppe des yeux. Je me fige, stupéfaite.






Sur la marche de l'escalier, à l'endroit exact où j'ai laissé l'enveloppe, il y a un bouquet de fleurs. L'un de ces bouquets prêts à offrir, dont le paquet gorgé d'eau fait office de vase, comme on en vend au coin de la rue. Je l'examine, interdite. Ce sont des fleurs banales entourées de papier crépon vert anis, un bouquet assez conséquent. Pas de carte de fleuriste. Je descends d'un étage. La secrétaire médicale est étonnée. Non, elle n'attend pas de fleurs, elle n'a vu personne monter avec des fleurs. D'ailleurs elle ne peut pas surveiller toutes les allées et venues me fait elle comprendre un rien agacée par l'insistance de mes questions. Je l'engage à fermer soigneusement la porte du bas lorsqu'elle quitte le cabinet. Elle acquiesce de mauvaise grâce. Quelle histoire pour quelques fleurs! Je redescends un étage et je place le bouquet bien en évidence sur la poubelle, à deux pas de la porte du bas que je verrouille à double tour.

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